Des médicaments climatiquement neutres – trois procédés

| Par Dr. Jonas Hostettler

Notre approvisionnement énergétique sera neutre en CO₂ dans un avenir proche : peu de gens en doutent encore aujourd’hui. Les énergies fossiles comme le pétrole, le gaz et le charbon seront remplacées par des énergies renouvelables. Mais le pétrole n’est pas seulement une source d’énergie, il est également utilisé comme matière première dans la fabrication de matières synthétiques, de matériaux de construction et de médicaments. Au cours de processus complexes, le pétrole est transformé en un nouveau produit, par exemple un médicament permettant de lutter contre la fièvre. 

Lorsque nous prenons des médicaments, leurs composants sont soit dégradés dans notre organisme, soit après avoir été rejetés dans les eaux usées. Il en résulte des émissions de CO₂ provenant d’une source fossile, car le médicament contient du carbone issu de la transformation du pétrole. Il en va de même pour un morceau de plastique fabriqué à partir de pétrole : après utilisation, idéalement après avoir été recyclé plusieurs fois, le plastique atterrit dans l’usine d’incinération des ordures ménagères. Le carbone qu’il contient se transforme alors en CO₂

Dans un monde neutre en CO₂, pouvons-nous continuer à utiliser des médicaments, des matériaux de construction, des matières plastiques et d’autres produits chimiques et pharmaceutiques ? Sans aucun doute ! Car il existe plusieurs moyens permettant de fabriquer de tels produits sans impact sur le climat :

  1. Produire des médicaments à base de plantes :

    Le carbone contenu dans les médicaments ne provient alors pas du pétrole fossile, mais des plantes. Celles-ci extraient du CO₂ de l’atmosphère qu’elles transforment en carbone. Lors de la dégradation du médicament, ce carbone est ensuite relâché dans l’eau ou l’atmosphère. Un tel médicament est donc neutre en termes de CO₂
    C’est déjà le cas aujourd’hui, dans une faible mesure. Il serait certes possible d’élargir cette pratique, mais nous serions confrontés aux mêmes difficultés que pour les «biocarburants» : concurrence avec la production alimentaire, pression sur les forêts, consommation élevée d’eau et d’énergie, utilisation accrue des terres pour un usage agricole et potentiellement application d’engrais, d’herbicides et de pesticides.

  2. Extraire de l’air le carbone pour la fabrication des produits chimiques :

    Il est également possible de filtrer industriellement le CO₂ dans l’air ou de l’extraire directement des rejets d’usines d’incinération des ordures ménagères ou de centrales à biomasse. Le CO₂ est ensuite transformé en hydrocarbures semblables au pétrole à l’aide d’hydrogène, ce qui permet de fabriquer des médicaments et d’autres substances. 
    L’inconvénient de cette solution est qu’elle nécessite beaucoup d’énergie : le captage du CO₂ est très énergivore. De plus, pour la transformation en hydrocarbures qui s’ensuit, il faut encore dix fois plus d’énergie. Pour qu’une telle production soit climatiquement neutre, cette énergie doit bien entendu provenir de sources renouvelables.

  3. Continuer comme maintenant, mais avec des technologies à émissions négatives :
    Enfin, l’industrie chimique peut continuer à utiliser le pétrole comme matière première. Elle doit toutefois s’assurer que le CO₂ libéré lors de la dégradation des produits soit à nouveau capturé et stocké en toute sécurité.
    Pour cela, des technologies dites à émission négative sont nécessaires, comme les procédés DACCS (Direct Air Carbon Capture and Storage – Capture directe du CO₂ dans l’air), tels que ceux mis au point et utilisés par l’entreprise Climeworks. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), il existe suffisamment de sites de stockage sûrs pour emmagasiner le CO₂ extrait de l’atmosphère. Le procédé est moins gourmand en énergie que la deuxième option, mais il faudrait continuer à extraire du pétrole à petite échelle.


Chacune de ces trois options présente des avantages et des inconvénients. Nous verrons laquelle s’imposera, ou si elles seront toutes trois utilisées en parallèle. Il est néanmoins certain que des solutions existent pour une industrie chimique et pharmaceutique neutre en CO₂
. Et nous pouvons nous le permettre sans problème. La transition vers des matières premières climatiquement neutres ne ferait augmenter le prix des médicaments que de 1% environ. En comparaison de l’évolution du cours des matières premières ou des taux de change, ce n’est rien. 

Le passage à une production climatiquement neutre doit donc être entrepris dès aujourd’hui. En rendant l’industrie chimique et pharmaceutique neutre en CO₂, nous pourrons continuer à bénéficier de ses progrès. Nous ne voulons et pouvons pas renoncer aux médicaments, pas plus qu’aux matériaux synthétiques et de construction modernes. 

Jonas Hostettler est docteur en chimie, enseignant et cofondateur de «Eltern fürs Klima» (Parents pour le climat)

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