Afin d’endiguer le changement climatique, nous devons concentrer notre attention sur les domaines qui ont un effet de levier potentiellement important et dans lesquels nous pouvons agir dès maintenant. Le secteur du bâtiment en fait notamment partie. En effet, la construction et l’exploitation des bâtiments sont responsables d’un tiers des émissions de CO2 produites par l’homme en Suisse et de quarante pour cent à l’échelle mondiale. Le nombre de kilogrammes de gaz à effet de serre émis par un projet de construction est la question cruciale de la construction au 21e siècle. Une architecture qui n’y répond pas n’est plus pertinente.
Construire dans le respect du climat signifie qu’il ne s’agit pas en premier lieu de l’énergie d’exploitation des bâtiments, mais de tous les gaz à effet de serre qu’une construction génère. Ces derniers sont également appelés « émissions grises ». Dans le cas d’un nouveau bâtiment conforme aux normes énergétiques les plus exigeantes, plus de 70 pour cent des émissions sont générées lors de la construction et à peine 30 pour cent lors de l’exploitation. Les architectes jouent donc un rôle majeur dans la réduction des émissions de CO2 du secteur de la construction. Parallèlement, des mécanismes économiques et politiques sont également nécessaires pour maîtriser le problème du CO2 lors de la construction des bâtiments. L’exploitation d’un bâtiment est régie par la loi. L’État laisse toutefois au marché le soin de déterminer la quantité de gaz à effet de serre gris générée par la construction.
Les analyses de cycles de vie ou écobilans – c’est-à-dire les analyses de l’impact environnemental et climatique des projets de construction – ne sont pas une science exacte. Mais ce ne sont pas les chiffres après la virgule qui sont décisifs, mais les effets de levier potentiels. Le livre « Klima bauen » (ndlr : « construire le climat », en français) des éditions Hochparterre montre où se trouvent ces leviers et comment les actionner. Si les architectes agissent à tous les niveaux de la construction – notamment au niveau de la géométrie du bâtiment, de la structure porteuse et de la façade -, ils peuvent réduire les gaz à effet de serre d’environ un tiers.
Mais les décisions ayant le plus grand impact sont de l’ordre de l’aménagement du territoire: l’endroit où nous habitons, travaillons et passons nos loisirs a un impact multiple sur notre bilan CO2. De toute manière, nous économisons le plus de gaz à effet de serre en démolissant moins et en construisant davantage. En revanche, nous devrions mieux utiliser les bâtiments existants. Dans l’architecture paysagère, il s’agit en outre de s’adapter au climat : nous devons choisir la végétation en fonction des températures plus élevées et des autres conditions météorologiques à venir.
Si l’on veut concevoir des bâtiments sans émissions, il faut remettre en question ses habitudes. L’architecture post-fossile se doit d’être différente – des fondations au toit. Les architectes devraient considérer ce changement comme une chance et l’aborder avec envie et créativité. En même temps, un regard objectif est nécessaire. Il ne s’agit pas d’opposer les matériaux entre eux ou d’ériger une construction en unique solution possible. Finalement, ce sont les réductions de gaz à effet de serre qui comptent, peu importe comment on se débarrasse de ces derniers.
Ce texte légèrement abrégé et traduit est tiré du livre « Klima bauen » (construire le climat), qui est paru en 2021 aux éditions Hochparterre et qui rassemble quelque 80 conseils climatiques en matière d’architecture, d’architecture paysagère et d’aménagement du territoire.
Andres Herzog, MSc. ETH
Andres Herzog a étudié l’architecture à l’ETH Zurich et il est co-directeur et rédacteur de la revue d’architecture, de planification et de design «Hochparterre».